Imaginez un extraterrestre – ou tout simplement un étranger – qui débarquerait dans notre beau pays. Peut-être ferait-il aussitôt demi-tour, atterré par ce qu’il voit – ou peut-être s’attarderait-il un instant… C’est ce qu’a fait Ezra Suleiman, lui qui depuis plus de vingt ans observe, le regard amusé, avec une férocité critique qui n’a d’égale que son amour de la France, une société pétrie de contradictions, « fatras d’ambiguïtés et de paradoxes » – une nation schizophrène. Entre déclinisme ambiant et sursauts d’orgueil national ; entre culte des principes et des valeurs, attachement forcené au sacro-saint modèle républicain, et trahison des clercs ; entre grands discours et jérémiades incessantes – quelle est, aujourd’hui, la véritable identité de la France ? Il fallait un regard extérieur pour décrypter les codes d’un pays qui ne se comprend plus lui-même. Terre des grands principes, la France ? Elle n’a pourtant que son « exceptionnalisme » à la bouche… Terre d’égalité ? Elle est pourtant, de toutes les démocraties occidentales, celle où « l’élite » est la plus puissante, véritable caste privilégiée qui a tout fait pour confisquer et conserver ses petits avantages. Le « modèle républicain » ? Il n’en reste plus grand chose, quand les dirigeants se prennent tous pour des monarques aux petits pieds. Dernier bastion de la « culture » ? Mais qu’est-ce que la culture pour un pays qui laisse ses écoles et ses universités partir en ruines ? Et que serait-elle sans la machine à subventionner ? « Société bloquée » ? Allons donc, quelle complaisance – mais surtout, c’est là un discours bien pratique pour ceux qui profitent confortablement du statu quo et des avantages acquis… Qui aime la France la châtie bien !